La galerie Marianne Meyer a ouvert ses portes avec les œuvres de Peter Valentiner.
Il y a des gens qui n'achètent des tableaux que s'ils sont assortis à leurs rideaux ou à leur moquette. Les ignorants de ce genre trouveraient presque certainement leur bonheur parmi les tableaux du Français Peter Valentiner, né au Danemark, car son livre d'échantillons de papiers peints surdimensionnés leur fait penser.
Mais il va de soi que la grande réputation internationale de cet artiste, qui vit aujourd'hui principalement à Cologne et enseigne à l'Académie européenne des beaux-arts de Trèves, n'est pas fondée sur le décoratif. Ses travaux ne peuvent en revanche pas nier un certain penchant pour les stéréotypes et les séries. Ainsi, les peintures acryliques abstraites exposées actuellement à la galerie Marianne Meyer ont été réalisées entre 1983 et 1990, sans que l'on puisse y déceler une quelconque évolution artistique. Dans l'ensemble, ils ont tous été réalisés de manière uniforme.
Mais cela ne signifie pas que cette constatation doive entraîner un jugement péjoratif. Comme Valentiner réussit toujours à créer quelque chose de tout à fait nouveau et d'original du point de vue du contenu, comme il n'enchaîne donc pas de véritables variations, on peut au contraire argumenter qu'il a trouvé et perfectionné très tôt son style unique, qu'il ne s'est pas laissé influencer par les courants de mode éphémères et qu'il a suivi sa voie sans se laisser distraire.
Comme nous l'avons déjà mentionné, ce parcours est lié à des limites extérieures, fixes et toujours identiques de la procédure. En règle générale, Valentiner applique trois couches de peinture plus ou moins lasurées les unes sur les autres, en laissant certaines surfaces vides à l'aide de pochoirs irréguliers. Ses tableaux acquièrent ainsi de la profondeur, une certaine spatialité et une dynamique.
Ce sont là des qualités qui ne font plus partie du cadre général de Valentiner, mais qui sont au cœur de son programme. Il s'est donné pour mission de mettre en évidence l'insondable interaction entre la couleur et la surface dans des tentatives sans cesse renouvelées. Comme dans un kaléidoscope, il secoue les deux composants l'un après l'autre et crée ainsi un chaos qui présente néanmoins des relations et est capable de déclencher des effets.
Ainsi, les tableaux de Valentiner expriment tantôt la joie, tantôt la tristesse, tantôt ils débordent d'agressivité, tantôt ils transmettent la satisfaction et l'harmonie. Il y a des couleurs qui se conditionnent et des surfaces qui se repoussent. Elles jouent avec une sensualité pure et irréfléchie et gardent donc pour elles un dernier reste de mystère.
En se limitant délibérément à la couleur et à la surface tout en s'imprégnant maniaquement de ces données, Valentiner s'est plongé dans un désir que l'on pourrait qualifier de mystique, semblable à celui des moines tibétains qui s'efforcent d'énumérer les neuf milliards de noms de Dieu afin de décrypter et d'achever la création.
On peut comprendre qu'une telle immersion méditative n'admette aucune exception, aucun compromis. L'étude de Modigliani ou de Picasso, auxquels Valentiner a consacré des collages, est donc corrosive. Les titans de l'art doivent se soumettre au programme, accepter d'être réduits à une valeur sentimentale.
Pour finir, un mot sur la nouvelle galerie elle-même, qui ne peut être qu'élogieux. Dans l'ancienne usine de transformateurs de la Mosinger Straße, Marianne Meyer a créé des espaces clairs et lumineux, prédestinés à l'art. Cela vaut la peine de rendre visite au monde de Peter Valentiner, qui est ici jusqu'au 10 août. Il faut toutefois prévoir un peu de temps pour s'y plonger.
Peter Zemla
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