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Un parcours de vie

Richard Crevier


C'est avec plaisir que je peux dire que l'artiste dont j'écris un article chaque mois a une importance exemplaire pour sa marche artistique et pour ses positions esthétiques. Le mot exemplaire me dérange. Disons plutôt typique. Une certaine façon d'associer la stylistique personnelle aux questions esthétiques suscitées par l'époque. C'est aussi le cas de Peter Valentiner, dont l'histoire s'étend entre la manière gestuelle de peindre et les problèmes formels, entre la liberté et la contrainte.


J'ai fait la connaissance de Peter Valentiner en 1975. Ses tableaux étaient une explosion d'éléments dont l'aspect chaotique contrastait étrangement avec la rigidité du support et la froideur de la couleur, une sorte de solidité statique. Valentiner était arrivé à un tournant et j'étais impatient de savoir ce qui s'était passé entre-temps. Le chaos, même s'il était maîtrisé, naturalisait le hasard. Au lieu que la peinture de Valentiner se remplisse d'un grand nombre d'éléments, elle se concentre peu à peu sur 2 ou 3 formes. 3 formes, avec une prédominance de la couleur. En contradiction totale l'image gagne maintenant en perméabilité et en sensibilité. La contradiction a une explication : l'image n'acquiert pas son unité par une maîtrise extérieure, mais la trouve en elle-même. Elle gagne en simplicité et en rythme réel.


Valentiner est né en 1941 à Copenhague et vit depuis 1949 à Paris. Il partage son temps entre Paris et Berlin et enseigne à l'académie d'été de Trèves (République fédérale d'Allemagne).


Il commence à peindre à l'âge de 18 ans, après s'être formé à l'art de la peinture. Inscrit à l'École des Beaux-Arts de Tours, car il y trouve une possibilité de travailler régulièrement et de suivre une formation continue. Il se passionne alors pour Pollock, Nicolas de Stael, Hartung et redécouvre ensuite son amour d'enfance pour Van Gogh.


A 21 ans, il part vivre quelque temps à Madrid, où il rencontre le peintre argentin Alberto Greco, connu pour ses happenings. Il subit l'influence de Cobra et de Saura. Entre 1963 et 1967, il découvre la peinture abstraite et les artistes pop, principalement Warhol et Raysse. La peinture pop lui permet de comprendre la technique américaine du pochoir, the hard edge, c'est-à-dire les bords durs, découpés sans émotion, totalement à l'opposé de l'expressionnisme. L'art pop le conduit également à la pureté des couleurs et à la surface lisse, en opposition totale avec les couleurs sales de l'expressionnisme.


En 1969, il fonde à Tours le Salon Environs, qui réunit les artistes de la province. Regroupe des artistes de province encore peu connus à l'époque comme : Viallat, Pages, Bioulès et Clément. Il peint alors des "cibles" et des "détectives", à la manière de l'iconographie pop. Début 1971, il utilise le camouflage, travail sur la tromperie dans la peinture : la peinture ne donne pas seulement à voir, elle cache, elle trompe. Il est alors très proche de Support/Surface (+), réflexions momentanées sur la subversion et la matérialité du travail pictural.


En 1973-74, il commence à inventer des grilles, des filets prêts à accueillir différentes variations de couleurs. Ce réseau fonctionne comme une contrainte, il constitue le sujet du tableau. Il définit sa peinture à cette époque comme un "mélange de Vasarely et de Morris Louis". Le réseau exige de grands formats. Puis 75 plus de filet, le désordre, le chaos. Le chaos qui s'est développé dans sa peinture actuelle, comme j'ai pu le voir dans ses dernières œuvres à Cologne (+) : Large, ample, chromatique et libre.


Là, vous voyez comment Valentiner a gagné la liberté et comme il le comprend aujourd'hui, les grandes questions posées par l'avant-garde et le cubisme ont, selon lui, déjà été traitées par Raphaël. Ah bon !


Richard Crevier

dans ATAC, Magazine,

page - 9 - février 1934


(+) Nom d'une association d'artistes français dans les années soixante-dix. (Petit dictionnaire spécialisé de Dumont sur l'art du XXe siècle)

(+) Marché international de l'art de Cologne 83

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